Maman

« Mais tu ne le prêtes jamais en fait ! » : ces mots qui me font hurler de rage

Il a passé 9 mois lové en moi, ne côtoyant que mon corps, mes bruits, le battement de mon cœur et les voix de son papa, ses frères et sœurs et la mienne …

Sur la table une tasse de thé et un café, quelques gâteaux pour la convivialité, non loin des rires d’enfants… mon précieux, les yeux mi-clos, la tête posé sur mon cœur, mon nez enfoui dans ses boucles blondes s’enivre de son « parfum ». Et ses mots … Comme unebombe lancée là au détour de la conversation. Énoncée avec beaucoup d’amitié sans nul doute mais aurait pu mener à ma culpabilité : « Mais tu ne le prêtes jamais en fait ! »

On ne parle pas là de mon petit gilet chouchou que j’arbore au moindre coup de vent, ni de mon moyen de portage qui sauve autant mes jours que mes nuits, encore moins de mon livre de chevet que je dévore à chaque pseudo sieste … On ne parle pas là d’un objet.

« Mais tu le prêtes jamais , en fait »

Ces mots concernent mon fils, petit être humain, individu à part entière, petit bout de moi , qui n’appartient qu’à lui , ma chair, mon sang, mon tout petit .

J’ai souri bêtement en guise de réponse. Peut être par manque de repartie, sûrement par courtoisie …
J’ai souri bêtement, le nez toujours dans ses boucles dorés et elle s’en est contentée.

Il est étrange avouons-le, de quémander de porter le fruit d’autrui sans attendre que cela vienne du principal intéressé… Quel autre mammifère viendrait voir une mère et lui dire « soit cool passe le moi 5 min, histoire de … »  ?Mais histoire de quoi d’ailleurs ?!? Combler un besoin égoïste en s’accaparant même un court instant le nouveau-né… L’exposant alors à des bras inconnus, des odeurs non familières, un visage éphémère … Étrange attitude de l’être humain que de vouloir disposer d’autrui à son gré.

Avec le temps j’ai appris à dire « Non » pour moi, pour lui .

Avec l’expérience j’ai appris le bénéfice de ce « Non », pour moi, pour eux, pour lui .

J’ai vu les dégâts sur leur sérénité quand de bras en bras ils ont voyagé, j’ai vécu les nuits de sursauts et de sanglots parce que dans leur journée des bras étrangers les ont enlacés, j’ai souffert de ne pas réussir à apaiser les pleurs de décharge quand leur tranquillité a été malmenée.

Il a passé 9 mois lové en moi, ne côtoyant que mon corps, mes bruits, le battement de mon cœur et les voix de son papa, ses frères et sœurs et moi… un cocon douillet, chaud avec lequel il a évolué.

Le monde extérieur lui a offert un panel de stimuli diverses, le froid, le bruit intensifié, la luminosité… alors pour apprivoiser ce nouvel environnement, il lui faut être suffisamment secure, serein et pour cela il a les bras de ses parents, leur odeur, leurs voix…

Alors oui je « ne le prête jamais , en fait « , parce que ce n’est pas un jouet , pas un objet ,ni une plante … mais un être humain …


Sa condition de « bébé « ne le rend pas davantage disposé à répondre favorablement à vos envies très personnelles sans réel intérêt pour lui .

Si cette amie était venu accompagnée de sa nouvelle « conquête » …  jamais je n’aurais osé lui dire « Mais tu le prêtes jamais en fait ! »
Cela aurait semblé déplacé et malvenue… il en est de même pour tout être humain, aussi petit soit-il .

Alors il est possible que d’épuisement, j’ai souhaité avoir à disposition tout les bras du Monde pour me relayer … mais généralement ces envies là s’expriment vers 2-3h du matin quand papa est sur les routes et que je ne vous ai pas sous la main…

Le reste du temps, quand tout va bien, qu’il dort serein, que je suis bien, ne me demandez pas de « vous donner « mon enfant .

Je sais proposer quand ça me semble nécessaire , quand tout est réuni pour que cela s’effectue en douceur … qu’il est disposé à découvrir un autre visage, une autre odeur… je le connais, je le sais .

Laissez-nous le temps, laissez-lui le choix … un jour viendra où si il vous apprécie, il accourra dans vos bras .

Mais les mois qui passent, aussi long vous semblent-ils , ne légitiment en rien, le fait que je devrais accepter votre requête …
il est libre Nuage ! Libre de ne pas vouloir vous tendre les bras, libre de détourner le regard de vous, libre de se cacher dans nos cous .

Libre de se sentir prêt ou pas !

Aussi libre que moi .

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