Maman

Témoignage : « Ma Mère, Atteinte Du Syndrome Münchhausen Par Procuration, M’a Fait Vivre Un Enfer »…

Delphine a subi l’inimaginable durant son enfance. Sa mère, atteinte du syndrome de Münchhausen par procuration, dupe et manipule les médecins, leur faisant croire que sa fille est malade. Cette folie ira jusqu’à l’ablation d’un des reins de son enfant.

Elle a grandi auprès d’une mère atteinte d’une grave maladie psychiatrique, le syndrome de Münchhausen par procuration, maladie rare, très peu connue et difficilement décelable par les médecins. Dans son livre Câlins assassins*, qui retrace l’enquête menée sur son enfance chaotique, Delphine raconte tout. Comment sa mère a fabriqué de toutes pièces la « maladie » de sa fille, tapé sur son rein gauche afin de lui faire dire qu’elle avait mal, dupé les médecins, notamment grâce à des connaissances médicales poussées, menti sur les antécédents médicaux, pratiqué à outrance le vagabondage médical pour brouiller les pistes, falsifié les analyses médicales. Câlins assassins permet à la jeune femme de 33 ans de (presque) tirer un trait sur ses souffrances et d’alerter médecins et grand public.

« Mes premiers souvenirs remontent à l’âge de 4 ans et demi. Beaucoup de choses m’étonnent déjà et me font douter. Ma mère me demande souvent si ça me brûle quand je fais pipi et si j’ai mal au dos. Je l’entends au téléphone dire au médecin et à son entourage que j’ai mal et de la fièvre, que je me plains. Ce n’est pas vrai, je sais que je vais bien. Dans ma tête d’enfant, j’ai conscience que quelque chose cloche et je doute parfois de l’affection de ma mère. Peut-être n’aime-t-elle en moi que la malade et pas la petite fille ? Comme tous les enfants, je cherche son amour. Je la protège du regard des médecins et ne veux pas qu’ils pensent qu’elle est une mauvaise mère. Je culpabilise, m’interroge mais me laisse manipuler. Evoquer son comportement serait la trahir et remettre en cause sa parole.

Des consultations à répétition… et une ablation du rein à l’âge de 8 ans

 C’est la valse des consultations à répétition et des nombreuses opérations dans différents hôpitaux de France. Les médecins manipulés tentent de soulager mes symptômes et mes « douleurs ». Après l’ablation d’un rein à l’âge de 8 ans, j’échappe de peu à la greffe. Mon père n’intervient jamais. Il ne voit pas ce qui se passe, fait confiance à sa femme et la laisse gérer son enfant « malade ».

Un jour pourtant, un médecin se met à douter de la véracité des dires de ma mère et présente mon dossier à deux confrères dont un pédopsychiatre. Ils finissent par diagnostiquer le syndrome de Münchhausen par procuration.

J’ai 9 ans. Un juge est nommé, on ne m’explique rien. Il décide d’une assistance éducative d’un an mais l’éducateur ne viendra que six mois à la maison… Les années passent. En fin d’adolescence, je voudrais que tous sachent qu’elle est une mauvaise mère ! Heureusement, au fil du temps, j’arrive un peu à me libérer d’elle et je rencontre mon futur mari.

Malgré mon amoureux, je me sens de plus en plus mal sans savoir pourquoi. Peu avant ma première grossesse, je trouve un job auprès des personnes âgées dans un hôpital.

Mon travail en tant que soignante, réactive mes angoisses

Devenir soignante réactive mes angoisses de petite fille qui y séjournait souvent après mon  accouchement, je consulte une psychothérapeute.

Mon mal-être vient peut-être de mon enfance, avance-t-elle. Cela m’effraie, je ne retourne pas la voir. Ma fille naît et pendant ses deux premières années, ma mère est très accaparante et oppressante. Elle s’impose, demande à la garder. J’ai l’impression qu’elle tisse une toile empoisonnée autour de Lila, qu’elle va me discréditer auprès d’elle et me la voler.

Je crains sa toxicité psychique. C’est le déclic. Avant de lutter contre la possessivité de ma mère envers ma fille, il faut d’abord que je cesse cette relation de possessivité entre elle et moi. Un jour, les ponts sont rompus suite à une énorme dispute. Le lendemain, je commence mon enquête qui aboutira à Câlins assassins.

Je pense être guérie d’elle, mais des séquelles demeurent 

Je suis enceinte de mon deuxième enfant. Huit ans aujourd’hui que je n’ai pas vu ma mère. Trois ans de psychanalyse à raison d’une séance une à deux fois par semaine ont mis un point final à notre histoire commune. Je pense être guérie d’elle, même si des séquelles demeurent. J’ai beaucoup de mal avec les hôpitaux et les enfants malades, je ne prends pas l’initiative d’emmener les miens chez le médecin et je tiens à distance les personnes trop envahissantes. En fait, j’ai peur de reproduire avec mes enfants le comportement de ma mère et d’avoir avec eux une relation malsaine.

Je la hais même si un peu d’apaisement est venu. Elle est malade, certes, mais je ne lui pardonne pas ce qu’elle m’a fait subir. En revanche, je n’en veux pas aux médecins ni à l’éducateur. Malgré une expertise psychiatrique et la décision de justice lui interdisant d’approcher Lila, ma mère est tenace et cherche toujours à la voir… Du passé, elle nie tout en bloc. Son sentiment est qu’elle n’est pas malade et que les médecins affabulent.

Câlins assassins permettra peut-être qu’on parle davantage du syndrome de Münchhausen par procuration et qu’on protège les enfants victimes

Mon histoire a eu lieu il y a vingt-cinq ans mais les choses ont-elles changé ? Les médecins ont-ils une meilleure connaissance de ce syndrome ? J’en doute. En fac de médecine, on parle peu de maltraitance infantile et encore moins du SMPP. Un psychanalyste que je connais voulait aborder ce sujet dans un colloque, les autres médecins ont refusé. Remise en question de l’amour maternel et probablement d’eux-mêmes ? »

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